La Patrie – Dimanche 31 octobre 1954 – page 66
L'exemple des mauvais chrétiens rend difficiles les conversions.
La Mission chinoise de Québec
par JACQUES TREPANIER
QUEBEC — Confucius l’a dit!
Contre cet argument péremptoire, les deux Sœurs missionnaires de l’Immaculée-Conception attachées à la Mission chinoise de Québec (31, rue Du Pont), ont bien de la peine à faire des conversions dans la colonie chinoise de Québec. À peine trois ou quatre par an.
On compte pourtant près de deux cents Chinois dans la région de Québec dont seulement une trentaine de baptisés.
Il n’y a pas de quartier chinois dans la Vieille Capitale, mais il y a une mission fondée par les Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception en 1919. Pendant longtemps, la mission se composait d’une seule religieuse et d’un aumônier. Depuis un an, les sœurs sont au nombre de deux. Elles ont comme aumônier l’abbé Adrien Caron qui est là depuis 1937 alors qu’il remplaçait le R.P. Pacôme, un franciscain qui fut le premier prêtre à consacrer tout son temps à la mission.
LE MAUVAIS EXEMPLE
Ce qui empêche les Chinois de se convertir, les sœurs St-Étienne et Ste Rose ne se gêne pas pour le dire, c’est le mauvais exemple donné par les chrétiens, catholiques comme protestants, aux Chinois de Québec. Ces derniers sont en grande partie des restaurateurs et ils en voient de toutes les sortes. Ils voient couler la boisson – qu’ils servent d’ailleurs avec profit – mais ce n’est pas pour les édifier.
Les Chinois païens se disent : « Nous sommes aussi bons que les catholiques, pourquoi devenir catholiques? Soyons fidèles à Confucius. »
Et Sœur St-Étienne soupire en disant : « L’apostolat est bien plus consolant en Chine où nous faisons jusqu’à 4000 baptêmes par année. »
MIEL ET VINAIGRE
On ne prend pas les mouches avec du vinaigre. Les sœurs le savent et c’est avec le miel qu’elles attirent le Chinois de Québec à la mission. Elles visitent les malades, les vieillards; elles enseignent l’anglais aux jeunes Chinois qui ne parlent d’autre langue que le cantonnais, car tous les Chinois qui entrent au Canada viennent du Sud de la Chine. L’abbé Caron dit la messe pour les Chinois catholiques le dimanche. Sœur St-Étienne, qui a été 31 ans en Chine, traduit l’instruction en chinois. Après la messe, le petit déjeuner en famille où les Chinois en profitent pour exposer leurs problèmes.
Malgré tout ce n’est qu’une petite colonie. C’est un travail de patience car, si les Chinois sont toujours polis, ils sont bien entêtés et savent éviter les questions délicates. « Le travail est ingrat, mais rien n’est perdu. Souvent nous semons et c’est un autre qui récolte et, d’autres fois, nous récoltons ici ce qu’un autre à semer ailleurs, « explique sœur St-Étienne.
Les conversions se font surtout chez les vieillards et les mourants. Les jeunes Chinois font généralement la sourde oreille.
Le travail se complique également du fait qu’un Chinois change de nom plusieurs fois au cours de sa vie. Son nom véritable est celui que l’on peut lire, après sa mort, sur son épitaphe. Il y a bien aussi la question des dialectes, mais les deux religieuses de la mission les connaissent bien. Avec quelques sujets, on prononce les « t », avec d’autres, on les aspire, mais on finit toujours par bien se comprendre. Sauf quand un Chinois ne veut rien entendre.
COLLABORATION
La mission chinoise de Québec, quoique fondée par des religieuses, n’en doit pas moins sont existence à la collaboration de personnes laïques. Le noyau de la mission avait été formé par Mme Boislard de Limoilou, qui avait organisé une école pour les Chinois. Son Excellence Mgr Maurice Roy, archevêque de Québec, et MGR Paul Bernier, nonce apostolique à Panama, alors élève du Séminaire enseignait l’anglais aux Chinois.
La mission est logée dans une maison de trois étages appartenant à l’archevêché. La gardienne de la bâtisse est Mme Amédée Dufour qui, avec son époux, rendent de grands à la mission, Mme Dufour organise sa partie de carte annuelle au profit de la mission et M. Dufour met son automobile à la disposition de la mission, chaque fois qu’il le peut. Il s’est déjà rendu en Gaspésie et à Roberval visiter des Chinois avec l’abbé Caron. Le couple réside à la mission depuis 1946.
Cette collaboration de personnes laïques, l’aide de l’archevêché, d’autres petits revenus et une parcimonieuse administration permettent à la Mission chinoise de Québec de survivre. Loin de se décourager, le Sœurs Missionnaires poursuivent leurs efforts avec plus d’ardeur. Jusqu’à l’année dernière, il n’y avait qu’une religieuse à la mission. Depuis un an, elles sont deux revenues de Chine, elles exercent leur rôle de missionnaires avec la même patience et toujours le même dévouement pour les Chinois.
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