Traces de la présence chinoise

Le Quartier chinois virtuel de Québec

La présence chinoise de Québec
par Martine Freedman, Ph. D. en géographie
(6 de 7)

Une construction imaginaire

La dimension imaginaire a joué un rôle non négligeable dans la construction du « quartier chinois » de Québec. Il convient de préciser ce que nous entendons par imaginaire. Il s’agit d’un « ensemble d’images mentales en relation qui confèrent, pour un individu ou un groupe, une signification ou une cohérence à la localisation, à la distribution, à l’interaction de phénomènes dans l’espace. L’imaginaire contribue à organiser les conceptions, les perceptions et les pratiques spatiales » (Debarbieux, 2003 : 489).

Dans le cas présenté ici, l’imaginaire est basé sur des images provenant de souvenirs vécus ou de récits véhiculés par les médias (articles paraissant régulièrement dans la presse écrite, émissions de radio, sites internet), le théâtre, le cinéma documentaire, la nouvelle, une exposition, les guides touristiques, des passages d’un livre sur l’histoire des anglophones de Québec ou encore de récits entendus au hasard de conversations. Tel est le cas de la pièce de Robert Lepage, La Trilogie des Dragons (créée en 1987). Même si certains éléments tels que les traces du passé mentionnées précédemment et des souvenirs ont probablement inspiré une partie du propos, son quartier chinois est inventé. Toutefois, son idée a été reprise par des journalistes qui en ont fait l’histoire réelle du quartier. Ainsi, le discours répété maintes fois par les médias a contribué à la construction de ce « quartier ».

Si nous pouvons affirmer que du point de vue de la densité de population il n’y a pas eu de quartier chinois à Saint-Roch, nous précisons que cette dénomination n’est pas abusive si l’on se base sur les seules perceptions des habitants. En d’autres termes, les pratiques territoriales des Chinois de Québec ne se limitant pas à s’approprier l’endroit où ils logent, mais aussi à fréquenter régulièrement plusieurs quartiers de la ville et d’ailleurs. Ce sont précisément ces pratiques territoriales, ou du moins les traces qu’elles ont laissées dans les souvenirs des habitants, qui ont nourri leur perception d’un quartier chinois.

Aborder la question de la présence chinoise de Québec, c’est aussi parler de ses traces physiques ou laissées dans les souvenirs des personnes qui l’ont connue. Même si les statistiques tendent à montrer qu’il n’y avait pas de quartier chinois, nous devons tenir compte des répondants qui considèrent l’existence réelle d’un quartier chinois. Leur imaginaire s’est nourri d’indices et de fragments du réel (les rassemblements et les allées et venues des Chinois, les buanderies, l’Association, l’église, les restaurants). Et si l’appellation, même erronée, de quartier chinois a tellement raisonné dans la population locale, c’est peut-être parce qu’elle a un sens aujourd’hui : les nouveaux immigrants manifestent le besoin de se reconnaître dans la ville, soit de reconnaître les traces visibles que d’autres immigrants, avant eux, ont participé à la construction de Québec.






⇒ Google traduction: VOIR COMMENT TRADUIRE CE SITE DANS VOTRE LANGUE