Le Québécois pure laine n’est pourtant pas reconnu pour être xénophobe, le racisme demeure une forme d’abstraction pour ce gentleman né. Mais il y a des circonstances où l’ignorance et l’arrogance prennent le pas sur la raison. La peur de l’inconnu m’apparaît être le principal dénominateur commun, responsable des nombreux griefs exposés lors de cette manifestation pacifique battant son plein sur le parvis de l’église Saint-Roch en ce beau dimanche de septembre. La journée s’annonçait mouvementée et il fallut une bonne dose de diplomatie pour en arriver à un dialogue constructif. Quelques bonnes blagues bien placées de la part de M. le maire sur la façon de se comporter de certains suffirent à alléger l’atmosphère. Si bien que même les amis de M. Lee Mingh riaient de bon cœur. M. le maire se désigna, en riant, comme étant l’authentique « M. Ciment » de Québec. Ce sobriquet lui fut jadis accolé à la suite du bétonnage des rives de la rivière St Charles. Tout cela parût détendre les belligérants. Un grand costaud aux cheveux roux pris la parole et expliqua sa peur de voir les Américains perdre la guerre indochinoise et du coup, devoir pleurer la mort de quelques volontaires québécois, qui par conviction, s’étaient enrôlés dans l’armée des États-Unis afin de défendre la démocratie contre l’agression communiste. Il déplorait le fait que jamais un chinois du quartier ne s’était mêlé aux manifestants lors des marches, pour la paix, organisées dans la ville afin de mettre fin au conflit vietnamien. Depuis, plus personne de son entourage ne désirait accueillir un seul nouveau ressortissant asiatique. La méfiance était la règle dans le voisinage. Ce type s’exprimait toutefois sans colère aucune. Nous devinions en lui le désir de trouver une solution à ce problème qui empoisonnait la vie de quartier depuis trop longtemps déjà. Il avait bien hâte d’entendre ce que les « accusés » avaient à répondre… De notre côté nous avions réussi le tour de force de compter sur la présence de l’animateur radio, qui en quelque sorte, avait par inadvertance, mis le feu aux poudres en montant en épingle une nouvelle qui, somme toute, ne concernait absolument pas les habitants de Saint-Roch, mais bel et bien, les habitants de la Chine et du Vietnam. Il s’expliqua en affirmant qu’il avait commis une bourde en essayant de faire du sensationnalisme à la manière d’Orson Wells.