d’individus de ce groupe ethnique proche de leur milieu de vie. Des pétitions furent également envoyées aux instances municipales pour décrier les supposés vices des Chinois. Par exemple, l’effet de considérer tous les Chinois comme des drogués à l’opium est un cas typique de tels préjugés irrationnels.[1] L’ignorance des usages et coutumes des autres peuples peut, en partie, expliquer cet acharnement des citadins de Québec à discriminer des gens d’une autre origine ethnique.[2] Les syndicats internationaux ne sont pas très loin lorsque vient le temps de dénoncer la concurrence des Chinois dans le domaine de la buanderie à Québec et dans d’autres villes du continent. Voici comment l’on décrit les buanderies chinoises dans le journal Le Soleil du 19 novembre 1910 :
« Les buanderies Chinoises font un tort considérable à nos buanderies nationales… Il n’est pas exagéré de dire que chaque Chinois se fait un salaire de $25.00 par semaine. Et tout l’argent que nous leur donnons ainsi ne profite aucunement à notre ville : car, 75 p.c. au moins de cet argent est envoyé en Chine…ces ateliers de Chinois sont pour la plupart des foyers infects, où ceux qui les fréquentent sont exposés à contracter des maladies, et nous n’ignorons pas non plus que ce sont trop souvent, de même que leurs restaurants, des centres d’immoralité… »[3]
De multiples fois, des Chinois doivent affronter les moqueries et les insultes des passants occidentaux. La violence n’est pas seulement psychologique et symbolique. Les journaux rapportent de nombreux actes de violence physique envers les Chinois et de vandalisme contre les commerces portant des idéogrammes. Voici un exemple tiré du journal Le Soleil du 28 août 1903 qui décrit bien ce genre d’événement. « Deux Chinois qui tiennent une buanderie sur la rue Saint-Joseph ont été attaqués dans le noir. Il paraît que des jeunes gens étaient entrés dans la buanderie et se mirent à faire du tapage. Les Chinois essayèrent de les mettre dehors. Les passants voyant la chose, entrèrent et se mirent à battre les Chinois. »[4]
Cette atmosphère xénophobe peut s’expliquer par la vision que les Québécois possédaient de l’étranger à l’époque. Une idéologie ultra nationaliste ambiante attribuait l’identification des Canadiens français à la race blanche exclusivement. « La construction de l’identité des Canadiens français se fait aussi en prenant pour contre-modèles d’autres groupes comme les Indiens, les Chinois et les juifs du Québec, de même que les Mexicains et les immigrants japonais rencontrés à l’étranger. »[5] Cette conception de la « race » au Québec entraîna nécessairement une vision négative du métissage culturel et racial. Certains auteurs de la fin du dix-neuvième siècle « proclament l’homogénéité ethnique du peuple, ou se félicitent de ce qu’elle constitue une barricade infranchissable pour l’étranger. »[6] Les anglophones de la province se déclaraient également défavorables à l’immigration de Chinois dans la province. En 1899, the Gazette écrit : « John Chinaman is too much with us, not only in Montreal, but in all the cities and large towns of Quebec and Ontario. He displaces Christian labour, and is in no sense a welcome or desirable addition to our population. »[7]
Pour conjurer leur marginalisation sociale, les Chinois en diaspora, eurent recours à divers stratagèmes internes à leur communauté. Les « Chinatown » sont le fait du regroupement géographique des immigrants dans un quadrilatère bien déterminé. Les Chinois se regroupent
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[1] WICKBERG, Edgar et CON, Harry. op. cit. p. 25
[2] À ce sujet, voir : HAMEL, Nathalie. La peur de l’étranger : Les Chinois à Montréal (entre 1885 et 1947). Montréal : Université de Montréal, 1995.
[3] HOE, Ban Seng. op. cit., 1980, p. 100
[4] HOE, Ban Seng. Ibid., p. 101
[5] GAY, Daniel. Les Noirs du Québec, 1629-1900. Sillery, Québec : Septentrion, 2004, p. 362
[6] Ibid., p. 368
[7] WICKBERG, Edgar et CON, Harry. op. cit., p. 94
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