Histoire

Travaux de chercheurs en histoire




Les missionnaires jésuites québécois et leurs représentations des pratiques alimentaires chinoises durant le premier tiers du XXe siècle

par Antoine Bouchard-Marchand

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1. Les missionnaires québécois en Chine : quelques éléments de contexte.

À l’arrivée des jésuites à Süchow, nous comptons une population d’environ 5 millions d’individus et 95 % de cette population pratique l’agriculture[7]. Nous estimons qu’entre 1918 et 1952, c’est près d’une centaine de missionnaires qui s’installent à Süchow[8]. Comme le professeur Shenwen Li le souligne : « La contribution de ces missionnaires est importante : ils ont travaillé non seulement à titre de prêtres, mais également comme intermédiaires culturels favorisant la connaissance et la compréhension mutuelles de deux pays si éloignés l’un de l’autre : le Canada et la Chine »[9].

Süchow est une ville située à la jonction du Jiangsu, du Henan, de l’Anhui, du Shandong. Un chemin de fer reliant Pékin, Tianjin et Nankin passe sur le territoire de Süchow, ce qui fait de cette ville un endroit au cœur d’un réseau stratégique et important[10]. Conséquemment, durant certains épisodes violents, Süchow est victime de plusieurs conflits armés à cause de sa localisation à proximité de ces grands pôles. C’est en quelque sorte dans ce contexte que les jésuites québécois se sentent interpelés et voient l’importance de venir aider et offrir un encadrement spirituel aux habitants du Süchow[11]. L’envoi de missionnaires canadiens-français s’inscrit également dans le besoin de compenser la diminution du contingent de jésuites français déjà présents en Chine depuis le XVIIe siècle. Ce relayage est officialisé par une lettre apostolique des Acta Apostolicae Sedis volume XXIII du 1er juillet 1931[12].

Afin d’illustrer les balbutiements de la mission des jésuites québécois, c’est en 1918 qu’on envoie deux hommes pour la première fois en Chine. Édouard Goulet se dirige premièrement à Shanghai afin d’y étudier le chinois pour ensuite se diriger à Süchow[13]. En ce qui a trait à Paul Gagnon, celui-ci est envoyé dans la province de Zhili. Deux ans après l’arrivée de Goulet et Gagnon, trois autres jésuites sont envoyés à Shanghai : Édouard Côté, August Gagnon et Georges Marin. C’est notamment ces derniers qui ramènent une certaine quantité d’objets afin de les présenter aux Québécois[14].

En 1924, le Père Joseph-Louis Lavoie (Lai Liangbi en chinois) est envoyé à Süchow. En 1928, Lavoie met sur pied une procure cherchant à subvenir aux besoins des missionnaires de Süchow. Il est d’autant plus le créateur et le principal rédacteur de la revue propagandiste Le Brigand. Une autre de ses contributions est qu’en 1931, Lavoie créer le Musée d’objets chinois dans lequel on peut désormais exposer les objets que les missionnaires ramènent de Chine[15]. Ces trois organes sont essentiels et nécessaires pour la survie de cette entreprise puisque sans ceux-ci, les missionnaires souffriraient d’un manque d’argent. En effet, le but est bel et bien de montrer aux Québécois et Québécoises certaines facettes de la culture chinoise dans un but pédagogique tout en les incitant à offrir une participation en finançant ce projet. Ce faisant, le Père Lavoie se présente comme un véritable : « candidat idéal pour animer la publicité en faveur du projet et pour favoriser la cueillette des aumônes afin de le financer »[16].

Le Père Édouard Lafortune (Sheng Shi’en en chinois) est un autre homme qui s’est particulièrement démarqué pour assurer un bon déroulement de la mission. Celui-ci arrive en 1925 et il est nommé supérieur de la mission du Süchow de 1928 à 1931[17]. Il est lui aussi investi et dévoué à solliciter des appels de financements et de recrutements pour la mission en Chine.




[7] Li, op. cit., p. 329
[8] Ibid., p. 350 à 354
[9] Ibid., p. 329
[10] Ibid., p. 331
[11] Samuel Fleury, Le financement canadien-français de la mission chinoise des jésuites au Xuzhou de 1931 à 1949, La Procure de Chine, Mémoire de maîtrise, Université Laval, Québec, 2014, p. 46
[12] Rosario Renaud, S.J., Le diocèse de Süchow (Chine) : Champ apostolique des jésuites canadiens de 1918 à 1954, Les Éditions Bellarmin, Montréal, 1982, p.13
[13] Ibid., p. 17
[14] Ibid., p. 29
[15] Li, « Atelier sur la revue missionnaire Le Brigand (1930-1949) ; Analyse de sources primaires et discussions collectives », dans le cadre du cours HST-3003 : Activité d’intégration et de transition : initiation à la recherche. « Les missionnaires et les rencontres interculturelles entre la Chine et le Canada/Québec au XXe siècle », Université Laval, 08/09/21
[16] Fleury, op. cit., p. 55
[17] Li, op. cit., Les jésuites canadiens-français et leur mission en Chine, 1918-1945, p. 339